Jean Hurpy       travaux 2024

4 situations

Yvette danse avec moi

(18 x 24 cm)

Balane en période de reproduction

(18 x 24 cm)

Yvette, c’est la coiffeuse, rue des Acacias. Pas grand-chose, un petit bout de femme, mais moi, je la regarde comme si c’était la Tour Eiffel qui souriait. Je dis rien, je fais rien, je viens, je paye, je m’en vais, comme un fantôme bien peigné. Et elle, elle cause, elle rit, elle vit. Moi, je respire à peine.


Un soir, je passe devant le bal du quartier, y’a des lampions et de l’accordéon. Et qui je vois ? Yvette. Une robe rouge qui danse toute seule, comme une flamme. Mon cœur s’arrête net. J’avance pas, je regarde juste, planté comme un piquet. Et là, elle tourne la tête, elle me voit.


— Eh ben ! T’es là toi ? Allez, viens danser, c’est pas payant !


Moi, danser ? Plutôt crever. Mais elle s’approche, elle rigole, elle me prend par le bras. Et voilà que je suis sur la piste, coincé, ridicule, à bouger comme un épouvantail. Elle, elle s’en fiche, elle rit encore plus fort. Y’a ses mains sur mes épaules, son parfum dans l’air.


— Bouge, qu’elle dit. Juste un peu. Fais pas ton mort.


Alors je bouge. Mal. Pas grave. Elle s’approche, tout près, et elle murmure :


— T’es pas si mauvais, tu sais.


Et là, je la crois. Juste une seconde, je la crois.                         POSTER

Roméo sodomise Juliette

(18 x 24 cm)

Roméo et Juliette ne sont plus les prisonniers d’une tragédie romantique sans issue. Dans cet espace neutre, dépouillé de tout décor, ils abandonnent leur rôle d’amants maudits pour se libérer du texte qui les enfermait. Leur geste, évoqué plus que montré, n’est ni passionné ni violent. Il est une rupture : un acte décalé qui détruit la cage dorée du romantisme et les conduit vers une existence plus libre, ambiguë.


Juliette, allongée et presque abstraite, semble glisser hors de la narration qui l’a figée. Roméo, à moitié effacé, agit mécaniquement, comme un acteur qui refuse son texte. Ici, l’amour idéalisé fait place à une relation brute, sans héroïsme, mais pleine de possibles. Peut-être l’instant précis où le mythe se fracture, où ces figures enfermées dans une histoire révolue accèdent enfin à une liberté, à une humanité dénuée d’ornement mais propice à de nouvelles narrations.

Ingéniosité d’une adaptation marine

Les balanes, crustacés sessiles de la classe des Cirripèdes, développent des stratégies reproductives remarquables, adaptées à leur immobilité et aux défis de l’environnement marin. Hermaphrodites simultanées, elles combinent organes mâles et femelles, permettant une fécondation croisée essentielle pour maintenir une diversité génétique. Leur pénis, proportionnellement le plus long du règne animal, leur permet d’atteindre des partenaires proches au sein de leur colonie.


La période de reproduction est marquée par une synchronisation avec les cycles de marée. Ces moments optimaux augmentent les chances de dispersion des larves, appelées nauplii, qui flottent dans la colonne d’eau avant de se fixer sur un substrat solide. Ce choix est stratégique : les jeunes balanes privilégient des zones riches en courants marins, garantissant un apport constant de nourriture.


Durant cette phase, les balanes investissent une part significative de leur énergie dans la production de gamètes, parfois au détriment de leur croissance. Ce cycle reproductif met en lumière leur capacité d’adaptation, entre immobilité apparente et interactions dynamiques.

Peau de caribou ayant appartenu à la Duchesse de Berry. Elle faisait office de descente de lit dans sa chambre du pavillon de Marsan

(18 x 24 cm)

Ce caribou, originaire des forêts du Canada, aurait été chassé dans la région de la Nouvelle-France au début du XIX siècle, à une époque où les terres d'Amérique du Nord étaient encore sous l'influence européenne. L'animal, emblématique des territoires nordiques, est un symbole de puissance et de résistance aux conditions extrêmes.


L’histoire de cette peau commence avec une expédition commanditée par un noble français aventurier, le Vicomte de La Fayette, passionné par la faune et les traditions des Premières Nations. Lors de ses voyages au Québec et au Labrador, il aurait participé à une chasse aux caribous en compagnie de guides autochtones, probablement des Innus ou des Cris. Ces derniers partageaient leurs techniques ancestrales de pistage et de capture, tout en transmettant leur profond respect pour l’équilibre écologique.


La peau aurait été traitée selon une méthode traditionnelle de tannage autochtone, utilisant de la cervelle d'animal pour assouplir le cuir et préserver sa souplesse. Cette méthode conférait à la peau une texture incomparable, prisée pour sa douceur et sa chaleur. Ornée de motifs gravés ou peints à base de pigments naturels, elle portait des marques rituelles destinées à honorer l’esprit de l’animal.


L'arrivée en France

C’est lors de son retour en France que le Vicomte offrit cette peau à la Duchesse de Berry, épouse de Charles-Ferdinand d’Artois, duc de Berry, en guise de cadeau exotique. La Duchesse, connue pour son goût éclectique et son attrait pour les curiosités, trouva dans cet objet un double intérêt : une pièce décorative exotique et un lien tangible avec les colonies françaises d’outre-Atlantique.


Installée dans sa chambre au pavillon de Marsan, la peau fut mise en valeur comme une descente de lit, un emplacement qui laissait transparaître une subtile association entre l’élégance aristocratique et une forme de sauvage noblesse. Ce détail reflète également les tendances décoratives de l’époque, où l’on aimait mêler éléments naturels et sophistication baroque.